Devenir marginal par refus du conformisme silencieux!

Devant tellement de messages de connaissances, car je dirais pas d’amis, qui me demandent comment je suis devenu un extrémiste hutu ou pire un sanguinaire Interahamwe, je me suis senti blessé. Et j’ai demandé à en savoir davantage sur mes forfaits de monstre. » Mais tes tweets! Ils ne te ressemblent pas. A moins que tu n’aies fait cacher ta vraie nature jusqu’à cette crise! Toi qui étais si critique envers les DD, qui dénonçais les magouilles et l’incompétence, te voilà que tu défends bec et ongles ceux qui piétinent l’Accord d’Arusha et exploite la fibre ethnique. Quelle mouche te pique? »

Inutile d’ajouter que d’autres messages m’accusent d’avoir vendu mon âme pour des prébendes. D’autres disent que je fais un excès de zèle pour espérer un poste juteux! D’autres regrettent que je sois aveuglé uniquement par une haine envers les Tutsis! Et d’autres ne me le disent pas mais s’adressent à ma belle famille: » Avez-vous vu ce qu’est devenu votre gendre? Nous plaignons votre fille! » Et sans doute, mon épouse perd son flegme et me lance: » Tout ça pourquoi? »

En écrivant cette confession publique, je voulais faire part de ce mal qu’on fait à ma famille. Souffrant d’hypertension, mon médecin se demande ce qui se passe avec moi: quand je me prépare à rentrer au Burundi, le coeur s’emballe et vite, des médicaments! Retour vers le cardiologue et sans assurance ici ni prise en charge de la Mutuelle de la Fonction Publique du Burundi, la facture est salée. Je reporte le retour et je me morfonds dans un exil, dans ma deuxième patrie! D’aucun me traitent déjà de déserteur et se demande ce que j’attends pour annoncer ma défection!

Ce qui me révolte, ce sont ces messages cruels et malveillants. Pour que je me taise! Et pourtant, je me suis toujours exprimé librement sur la toile. Les nouveaux venus veulent me donner des leçons! Le monde à l’envers.Et ils prennent le raccourci prisé: l’extrémisme!
En ce qui me concerne, je ne suis pas un extrémiste et encore moins un sanguinaire. Le Burundi fait face à une crise profondeur de leadership. C’est un secret de polichinelle.
Je suis conscient que mes tweets, et surtout ma position pro gouvernementale dans cette crise a déçu. Je le comprends. Je ne regrette rien. Notez plutôt que je suis resté toujours marginal, iconoclaste si vous préférez. On ne m’achète pas. Je m’engage.
En 2010, quand j’ai commencé ma traversée du désert après mon limogeage par un certain Gervais Rufyikiri, j’ai poursuivi ma route dans l’indifférence totale. Mécontent et non opposant, j’ai résisté à tous les coups qui visaient à m’anéantir sur tous les plans. Même au conseil communal de Ryansoro (travail bénévole pourtant), les coups ne m’ont pas épargné. J’ai été accusé de rouler pour l’UPRONA ou le MRC parce qu’avec Bonaventure Niyoyankana et Jean Berchmans alias Makelele, je défendais une position contraire au diktat de Gervais Rufyikiri, du président du parti à Gitega et du gouverneur de province. Je n’’ai pas cédé aux menaces.

J’ai dénoncé un certain nombre de dignitaires du système DD qui se remplissaient les poches. Je ne compte pas ici étaler les noms de ceux qui ont acquis le monopole des marchés dits secrets ou trop lucratifs. Même Gervais Rufyikiri a reconnu l’existence d’Amasiha et s’est tu comme une tombe! A jamais moins brave que madame Alice Nzomukunda, n’est ce pas? Et quid de mon rejet du combat contre un nouveau mandat en faveur du président Nkurunziza?

Parce que le diable se cache dans les détails! Quand j’analyse en profondeur, je me rends compte que du point de vue du droit, Nkurunziza avait le droit de se présenter. Et pourtant, l’opposition et la société civile politisée, ont tout fait pour convaincre que sa candidature était contraire à la constitution. Mais pour mieux mentir, ils ont parlé de l’esprit d’Arusha: le principe de deux mandats! Ce principe pouvait souffrir d’exception aussi longtemps que cela était couché dans une constitution approuvée par référendum!

Du point de vue politique, la candidature pouvait, et à mon avis aussi, être considérée comme inopportune. Comme j’aurais aimé voir le parti proposer un autre candidat, dans des circonstances non exceptionnelles! Hélas, la crise sur fond de mandat était inéluctable.

Quand ceux qui dénoncent une candidature légale choisissent des voies illégales pour combattre, dois-je les suivre? Quand on piétine les lois en vigueur en disant que si l’opposition et la société civile avaient demandé l’autorisation de manifester, le gouvernement aurait refusé! Mais par respect pour les lois, il fallait accomplir cette formalité et déclencher l’insurrection le cas échéant après le refus. Voilà pourquoi je condamne le mouvement dit Arusha et les imposteurs.
Le 26 avril 2015. Les manifestations ont démarré en érigeant des barricades pour paralyser la circulation. La police est intervenue pour rappeler d’abord que ces manifestations étaient illégales et qu’il fallait libérer les axes routiers. La violence n’a pas tardé et nous pleurons beaucoup de morts. Et malheureusement c’est toujours du côté de ceux qui n’ont aucun intérêt particulier dans cette guerre des éléphants! Du moins avant l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana.
Après l’échec de l’insurrection, il y a eu un semblant de dialogue. Juste des manoeuvres dilatoires! Car l’opposition et les activistes voulaient imposer le départ de Nkurunziza, une nouvelle équipe à la CENI, une transition et sans l’ombre d’un doute le démantèlement du système CNDD FDD. Du côté du régime, la position était radicale: des élections immédiates!
Un coup d’État militaire fut monté. Il échoua lamentablement. L’opposition préféra récuser le facilitation Djinnit. Et que dire des attaques rebelles à Kayanza, Makamba et Ruyigi? Est-ce pour défendre l’accord d’Arusha ou déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul? Les jeunes qui sont les plus exploités dans cette crise croient, naïvement, que ceux qui utilisent tous les moyens pour chasser le CNDD-FDD du pouvoir offrent mieux.

Et je suis ainsi devenu un Interahamwe! Pour avoir refusé de soutenir le changement au forceps? Pour avoir fait remarquer que certains discours traitent le système DD de pouvoir hutu? L’histoire est comme les faits: têtue.
S’il faut remonter dans le temps, le CNDD-FDD est né après le début de la résistance armée de Kamenge aux putschistes qui venaient d’assassiner Melchior Ndadaye. Par essence, il était un mouvement composé essentiellement des déshérités du Burundi. A son arrivée au pouvoir, il a favorisé le rapprochement des ethnies jadis rivales. Il a contribué à la mise en oeuvre de l’accord d’Arusha et de l’accord global de cessez-le-feu. Mais ceux qui veulent noyer le système DD, manipulent certains jeunes (hutu du FNL surtout et Tutsis selon les appréciations divergentes) voire même une partie de l’armée et de la police en disant que le régime hutu est à démanteler.
Quand je fais entendre ma position opposée à ce changement dans la violence et par des mensonges, on me traite d’Interahamwe! Sachant que les Interahamwe sont accusés d’avoir commis le génocide des Tutsis au Rwanda, je me demande comment mes écrits sont si haineux envers les Tutsis. Bien sûr que je ne suis pas bête: des fois je jette des tomates au régime de Kigali! C’est interdit de trouver des poux sur la tête des héros qui ont arrêté un génocide! Même quand des révélations viennent de l’intérieur du système FPR, je devrais ne pas montrer que cela m’est parvenu et en parler. Critiquer le FPR et son candidat chéri par un peuple qui se suiciderait s’il s’en allait à la fin de ses mandats constitutionnels? Haro sur le baudet! Et vite, un Interahamwe dangereux identifié au Burundi!

J’aimerais dire que n’ai pas de haine. J’ai horreur de l’hypocrisie et de l’injustice. Ceux qui ont eu recours à la langue mielleuse pour endormir les dignitaires du CNDD-FDD se sont heurtés à ma verve. Cela explique ma traversée du désert de cinq ans. Et Dieu m’a béni: fier d’être resté un électron libre et hors du besoin malgré tout. Et je dois humblement dire merci à certains compagnons de lutte qui ne m’ont jamais abandonné ou mieux qui m’ont tendu une main fraternelle. Merci à ceux qui me soutiennent et m’aident à rester ce que j’ai toujours été: un esprit libre et une plume puissante.

Pour terminer, je dirais que le système DD a commis l’erreur de mettre en avant la conquête des biens, le clientelisme, le favoritisme et de sacrifier les compétences, la diplomatie et là communication. Ce n’est pas pour un poste de directeur à 130.000 fou que je défends le système.

Pour m’être donné à fond du temps de mon exil aux Pays Bas et lors des élections de 2010, je sais que l’excès de zèle ne vaut rien si vous êtes un homme toujours prêt à vous exprimer librement au sein du CNDD FDD. Et je préfère rester donc un militant engagé au sein de ce parti qui a restauré la démocratie assassinée en 1993, mais un militant pas quémandeur de faveurs mais plutôt celui qui peut pointer du doigt ce qui ne va pas.
Je souhaite que le dialogue constructif et l’amour des compromis puissent primer et que les protagonistes renoncent à la violence pour sauver le pays de cette descente aux enfers.

Pays Bas, 08 août 2015