Les sorties de Paul Magnette (PS) ce vendredi matin dans la presse, précédées du camouflet de Pieter De Crem (CD&V) contre la coalition Vivaldi, ne mènent qu’à une seule voie: celle des élections anticipées. La pression est plus que jamais sur les démocrates-chrétiens.
Dire que Koen Geens ne doit pas être ravi ce matin est un euphémisme. Sa mission est déjà morte et enterrée. Lui qui voulait la plus grande discrétion possible, il a été torpillé d’abord par son propre camp, le CD&V, en la personne de Pieter De Crem, ministre de l’Intérieur du gouvernement Wilmès en affaires courantes. On rappellera que Koen Geens avait accepté la mission royale sans en parler à son propre parti, il s’agit donc d’une sorte de retour de bâton.
Pour le ministre sans discontinuité depuis 14 ans, la Vivaldi (coalition sans la N-VA) ‘c’est de la réalité virtuelle (…), elle n’existe pas’, commentait-il jeudi dans la matinale de LN24. Coup de bambou pour les derniers espoirs francophones de gouverner sans les nationalistes.
La Vivaldi enterrée, restait sur la table l’association du PS et de la N-VA. Si ce n’était pas encore clair pour tout le monde, Paul Magnette a mis les points sur les i ce matin dans le journal Le Soir, rapporté dans nos colonnes: ‘Entre accepter n’importe quoi et les élections’, Paul Magnette a fait son choix. ‘Combien de fois devrai-je encore dire que le PS n’a aucune envie de gérer avec eux?’, a-t-il ajouté. Certains regrettent le calme d’un Elio Di Rupo en toutes circonstances. Paul Magnette, malgré son image de professeur éclairé, ‘est davantage dans l’émotion’, nous rapportent plusieurs sources.
Sur La Première ce matin, le président des socialistes a toutefois quelque peu nuancé son propos. Il ne ‘fera rien pour provoquer’ des élections. Pourtant, c’est bien ce qu’il a fait. Mais comme vu précédemment, il n’est pas le seul. En fait, la sortie de Pieter De Crem a justement permis au président des socialistes de sortir les crocs. Il espère toujours une Vivaldi mais ce n’est pas ce qui est négocié depuis des mois. Une certaine Flandre ne peut se résoudre à être en minorité dans un prochain gouvernement fédéral.
Il reste un mince espoir pour une Vivaldi. Le CD&V devra toutefois faire un sacré numéro de contorsion. La pression est en tout cas sur leurs épaules maintenant. La pression de la Commission européenne et des milieux économiques l’aidera peut-être à se résoudre à exclure la N-VA dans un gouvernement d’urgence. Il y a enfin une solution sans le PS, mais pour l’heure, personne ne prend vraiment cette piste au sérieux.
Climat de campagne
Il n’aura échappé à personne qu’un climat de campagne règne depuis plusieurs jours. La sortie d’Ahmed Laaouej (PS) et du patron de la FGTB sur la TVA à 6% sur l’électricité en est la dernière illustration.
Au MR aussi, on se prépare. Un sondage en interne (plutôt favorable) a été commandé. Mais cela ne semble pas le scénario privilégié par Georges-Louis Bouchez qui espère avoir encore un plus grand impact en 2024 après avoir marqué le parti de son empreinte. Et puis cela reste compliqué de mener une campagne électorale quand vous êtes amenés à gouverner ensemble en Région (MR-PS-Ecolo).
Chacun tente toutefois de se positionner, de prendre de l’espace médiatique. Que ce soit Ecolo et son ‘Plan B, comme Belgique’ dans l’Echo, ou DéFi et sa diabolisation de la N-VA sur La Première, même si le parti amarante reste un acteur mineur.
Au nord, l’Open VLD a les yeux rivés sur son élection présidentielle. Un choix pas décisif mais important pour le positionnement futur du parti libéral flamand: Egbert Lacheart (favorable à un gouvernement PS/N-VA) est toujours donné favori devant Bart Tommelein (plus favorable à une Vivaldi) et Els Ampe.
Le CD&V connait une sorte de crise interne et la confiance ne règne certainement pas à bord. Entre Koen Geens d’un côté, les vieux briscards de l’autre et la jeunesse incarnée par un Sammy Mahdi pour qui la sortie de Pieter De Crem ‘n’était pas nécessaire’.
La N-VA, qui joue avec ses propres règles, peut voir venir et ne manquera pas de faire porter le poids de la crise sur le PS. Ah tiens, c’est fait à l’instant: ‘Le PS veut provoquer des élections, uniquement pour affaiblir la N-VA et pour se renforcer. Le troisième parti du pays pense pouvoir dicter sa loi à tout le monde et mener les négociations dans les médias’, a réagi le président des nationalistes. Dans notre système électoral, c’est bien entendu tout à fait faux. Les deux pourraient ressortir gagnants ou perdants. En tout cas, Bart De Wever a répété ses priorités: régionalisation, poursuite des politiques socio-économiques de la Suédoise et maintien des centrales nucléaires.
Référundum
Qui peut sortir gagnant de ces élections? Difficile à dire évidemment. Il se dit que les extrêmes pourraient en profiter. C’est certainement possible pour le Vlaams Belang qui est toujours en campagne, notamment sur TikTok, réseau social des jeunes électeurs de demain. Côté francophone, c’est beaucoup plus incertain pour le PTB que l’on n’entend plus.
Le MR, qui n’a plus de concurrent à sa droite et qui est incarné par un président de parti tout frais peut aussi faire partie des gagnants. Le PS reste le PS, inébranlable, et enfin Ecolo pourra difficilement atteindre ses scores historiques de mai dernier. Pour la N-VA, ça dépendra du VB principalement. Rappelons qu’un sondage montrait récemment que les nationalistes et les socialistes étaient vus comme principaux responsables de la crise.
En tout cas, pour Paul Magnette, de nouvelles élections pourraient faire figure de référendum sur l’avenir du pays. Sans solution, la Belgique fédérale devra sans doute une nouvelle fois se réformer.
Source: BusinessAM