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1. En date du 29 juillet 2016, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté sans consensus, la Résolution 2303 autorisant le déploiement de 228 policiers Onusiens au Burundi, sur base d’une proposition formulée par la France.
2. Le Gouvernement du Burundi s’étonne de la voie de précipitation empruntée par le Conseil de Sécurité pour adopter une Résolution aussi grave de conséquence parce que constituant un précédent pour les autres pays du moment que le Burundi le premier concerné n’a pas été consulté conformément aux usages. Par ailleurs, certains membres du Conseil de Sécurité dont un membre permanent ont soulevé séance tenante ce déficit.

3. Pourtant, la position du Burundi sur la question a été communiquée à temps par le canal diplomatique habituel, mais curieusement n’a pas été tenue en compte dans le document final de la France, pays initiateur du projet.
4. Concernant l’envoi de cette force policière, le Gouvernement du Burundi rappelle au Conseil de Sécurité que de part le principe, toute résolution adoptée dans le cadre du chapitre 6 de la charte des Nations Unies doit avoir impérativement le consentement du pays concerné, ce qui n’a malheureusement pas été le cas.
5. Par voie de conséquence le Gouvernement du Burundi rejette toute disposition de la résolution en rapport avec l’envoi d’une force quelconque sur son territoire, en violation des règles élémentaires régissant la famille des Nations unies et surtout violant la souveraineté de son territoire.

6. S’il est vrai qu’au départ, il ya plus de six mois, le Gouvernement du Burundi était d’accord pour le déploiement d’une équipe de quelque 20 à 50 policiers non armés pour renforcer les capacités de la police burundaise dans la lutte contre le terrorisme, actuellement cette hypothèse n’a plus de raison d’être et donc à reconsidérer, car les forces de défense et de sécurité maîtrisent parfaitement la situation à l’intérieur de tout le territoire national.
Toutefois, les 200 observateurs et experts militaires de l’Union Africaine que le Gouvernement a acceptés restent les bienvenus, il ne reste plus que la finalisation du mémorandum d’entente pour leur déploiement.

7. Et si le besoin d’une autre force extérieure persiste, le Gouvernement du Burundi invite le Conseil de Sécurité des Nations Unies de la déployer au Rwanda dans les sites de recrutement et d’entrainement des éléments qui viennent perturber la sécurité au Burundi. Les rapports existants et qui se trouvent devant le Conseil de sécurité des Nations Unies précisent bien leur localisation et leurs activités subversives.

8. Toutefois, le Gouvernement du Burundi réitère toute sa disponibilité à coopérer avec l’ONU pour toutes les questions concernant la paix, la sécurité, les droits de l’homme et le développement, mais dans le strict respect du sacro saint principe de la souveraineté consacré par la charte des Nations Unies.

9. Concernant le respect et les garanties des droits de l’homme, le Gouvernement rappelle que sa coopération avec le haut commissariat des Nations Unies des Droit de l’homme est une évidence, en témoigne les différentes missions des experts des Nations Unies en la matière au Burundi, ainsi que la mise en place des mécanismes intérieurs par le Gouvernement notamment la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNDIH) actuellement à pied d’œuvre en étroite collaboration avec l’Office du Haut Commissaire des Droits de l’Homme au Burundi.

10. Pour ce qui concerne le dialogue interburundais, le Gouvernement se félicite des progrès notables réalisés tant sur son volet intérieur qu’extérieur. Il apprécie et soutient le travail accompli par la facilitation conduite par S.E.William Benjamin Mkapa institué par la communauté des Etats de l’Afrique de l’Est et considère qu’aucune immixtion ou interférence extérieures dans ses travaux ne devraient être tolérées au risque de compromettre sa mission et mettre à mal le mandat lui conféré par les pays de l’EAC.

11. Concernant toujours, le déploiement des policiers onusiens, il convient de rappeler qu’il ne s’agit pas d’une première tentative d’imposer arbitrairement l’envoi d’une force étrangère au Burundi. On se souviendra en effet, qu’en date du 17 décembre 2015 au lendemain de l’attaque menée par des éléments terroristes sur trois camps militaires de la capitale Bujumbura et sur un autre camp situé non loin de là le 11 décembre 2015, la Commission de l’Union Africaine avait proposé, sur insistance de certains pays de l’Union Européenne notamment la Belgique, l’envoi d’une force étrangère de 5.000 hommes « MAPROBU » soit disant pour protéger les Burundais, et ce sans avoir consulté le Gouvernement ni visité le pays pour se rendre compte de la nécessité d’une telle initiative.

12. Devant cette menace, le peuple burundais s’est levé comme un seul homme pour décrier une proposition aussi humiliante pour un pays souverain. La population n’a pas caché non plus sa détermination à défendre l’indépendance chèrement acquise de leur pays, et, fort heureusement, le Sommet des Chefs d’Etat de l’Union Africaine a rejeté cette proposition.
Pour sa part, le Gouvernement du Burundi avait été clair dans son communiqué du 18 janvier 2016 au point 8 al. 2, que la population burundaise ne voyait ni l’opportunité, ni la nécessité et encore moins l’intérêt de l’arrivée sur son sol des troupes étrangères du genre MINUAR ou Opération TURQUOISE initiée par la France au Rwanda en 1994 et dont l’efficacité n’a pas été du tout salutaire pour la population rwandaise. Le monde entier connait la suite dramatique, avec le génocide qui s’est déroulé durant cette opération aussi malheureuse qu’inopportune.

13. Il devient dès lors moralement inacceptable que la France cherche à exporter l’expérience du génocide rwandais vers Burundi au moment où le dossier de ses probables responsabilités dans cette tragédie n’est pas encore vidé ni le contentieux avec le Rwanda clôturé.
Il est donc hors question que le Burundi accepte de payer les frais de la réconciliation entre ces deux pays par le sacrifice de sa population. Pour sa part, le peuple burundais, déjà averti par l’expérience douloureuse de son passé n’acceptera jamais qu’un génocide se commette sur son territoire.

14. En proposant l’envoi d’une force policière au Burundi, la France qui prend le témoin de la Belgique, la première à avoir lancé l’idée mais qui commence à s’effacer à cause de son passé colonial embarrassant au Burundi, semble ignorer l’évolution très satisfaisante de la situation sécuritaire du pays, n’eut été l’incursion sporadique des éléments terroristes en provenance des camps de réfugiés au Rwanda où ils reçoivent des formations et entrainements militaires en vue d’attaquer le Burundi.
15. Le déploiement d’une telle force n’aurait d’autres visées comme ce fut le cas au Rwanda de 1994, que de celles de, non seulement diviser le peuple burundais, mais également de saper la cohésion de ses forces de défense et de sécurité, héritage des Accords de Paix d’Arusha ainsi que des autres accords de cessez le feu conclus entre les Burundais.
Le Gouvernement du Burundi rappelle à la Communauté Internationale et particulièrement au Conseil de Sécurité des Nations Unies, que c’est grâce à cette cohésion que jusqu’à présent toutes les tentatives de déstabilisation des institutions démocratiquement élues se sont toujours soldées par des échecs, et que le déploiement d’une force étrangère ne vise qu’à préparer la base arrière des éléments terroristes actuellement mis en déroute.

16. Par ailleurs, l’adoption de la résolution unilatérale d’envoi des policiers au Burundi ne fait qu’encourager les entreprises déstabilisatrices des groupes terroristes. En effet, on ne peut pas parler de coïncidence du moment que dès l’annonce de l’adoption de ladite résolution, les forces de sécurité ont mis la main sur un groupe d’une cinquantaine de terroristes avec armes et tenues militaires et policières à Rumonge au sud du pays dont des élèves encore à l’école secondaire, et qui reconnaissent être rentrés de formation militaire au Rwanda en vue d’attaquer et perturber la paix au Burundi.

17. Cette prise vient s’ajouter à beaucoup d’autres actions menées par les forces de défense et de sécurité burundaises dans le cadre du désarmement de la population civile, avec pour résultat le retour de la sécurité sur tout le territoire nationale, y compris dans les quartiers insurrectionnels où la vie au quotidien est actuellement redevenue normale.
Il convient de souligner que cette maîtrise de la situation est le fruit du travail louable des forces de défense et de sécurité sans le concours ni un coup de main d’aucun élément d’une force étrangère.

18. Concernant l’action déstabilisatrice du Rwanda dans la situation sécuritaire burundaise, le Gouvernement a toujours mis à la disposition des diplomates accrédités à Bujumbura, de l’opinion publique tant nationale qu’internationale, les éléments de preuve chaque fois que des groupes de malfaiteurs venus de ce pays étaient capturés par les forces de sécurité burundaises.
Et la France qui dispose d’une représentation diplomatique très active à Bujumbura doit être au courant, sans nul doute que son ambassade transmet régulièrement ses rapports sur les faits à son gouvernement. Par ailleurs, les Nations Unies sont déjà saisies de cette action déstabilisatrice du Rwanda envers le Burundi, et l’opinion s’interroge pourquoi la proposition d’envoi des policiers n’a pas été dirigé vers ce pays le Rwanda, pour surveiller les lieux et places de recrutement et d’entrainement des éléments terroristes qui perturbent la sécurité au Burundi.

19. Le Gouvernement du Burundi voudrait profiter de l’occasion pour rappeler au Conseil de Sécurité, que sur une période de 33 ans (de 1962 à 1995), période caractérisée par des violences et massacres à caractère génocidaires avec plus d’un demi-million de victimes, il n’y a eu que seulement deux(2) Résolutions des Nations Unies sur le Burundi :(Rés. 173 du 26 juillet 1962 et le Rés.1012 de 1995 la première reconnaissant le Burundi comme Etat membre des Nations Unies, la seconde demandant de faire la lumière sur les violences qui avaient suivi l’assassinat du premier Président démocratiquement élu dans l’histoire du Burundi, Melchior NDADAYE.

De 2005 à 2016, c’est à dire depuis la période où le Burundi est dirigé par des institutions démocratiquement élues, 16 Résolutions dont 3 pour la seule période de 2015-2016 ont été adoptées par le Conseil de Sécurité sur le Burundi.
Les Burundais s’interrogent toujours sur les causes du silence de la part des Nations Unies, qui a couvert la première période et l’activisme excessif observé durant la période actuelle.

20. Le Gouvernement du Burundi demande donc au Secrétaire Général des Nations Unies de se pencher personnellement sur les raisons profondes qui poussent certains états, particulièrement la France et la Belgique à s’acharner constamment sur le Burundi parmi les pays qui composent la famille des Nations unies.

Pour sa part, le Gouvernement du Burundi est convaincu que cette mobilisation subite des pays impliqués profondément dans les horreurs du passé burundais à cause de leurs relations historiques cherchent à bloquer les travaux de la Commission Vérité-Réconciliation actuellement en phase cruciale de récolte des dépositions des témoignages des victimes des tragédies concernées par les périodes ci-dessus évoquées.

21. Pour terminer, le Gouvernement demande au peuple burundais et particulièrement aux membres des corps de défense et de sécurité de rester vigilants, unis et soudés devant cette nouvelle menace à l’Unité et à l’Indépendance du Burundi durement acquise. La population est appelée à ne pas se laisser distraire et à s’atteler davantage aux travaux de développement et de lutter contre la pauvreté, le véritable ennemi.
Bujumbura, 02Août 2016

Le Secrétaire Général du Gouvernement et
Porte Parole du Gouvernement,

Philippe NZOBONARIBA.-