L’entrée de la République Démocratique du Congo (RDC) dans la Communauté Est Africaine permettra la liaison entre l’océan Indien et l’océan Atlantique. Ce qui constitue un avantage évident, car cela va accroître la taille du marché. Le Burundi, frontalier sur environ 200 km (de Kabonga à Ruhwa) de ce plus grand pays d’Afrique centrales doit profiter au maximum de ce marché dont la population est estimée à 90 millions d’habitants. Cela en arrêtant le plus tôt possible des stratégies de suppression des barrières tarifaires et non tarifaires, en développant les infrastructures de transport, en variant la gamme des produits d’exportation…
«Le sommet des chefs d’Etat n’a pas encore accepté formellement l’entrée de la RDC dans la Communauté Est Africaine (CEA)», indique Denis Nshimirimana, secrétaire général de la Chambre Fédérale de Commerce et d’Industrie du Burundi (CFCIB).
Toutefois, lors de la 44ème réunion extraordinaire des ministres de la CEA tenue à Arusha en Tanzanie le 22 novembre dernier, il a été décidé que la RDC peut rejoindre la communauté. La volonté d’intégrer la communauté avait été exprimé par Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, président de la RDC mi-2019.
M. Nshimirimana précise qu’une gamme d’opportunités attend la communauté une fois que la RDC la rejoindra.
« Aujourd’hui, la CEA est considérée comme une des communautés régionales économiques les plus fortes de l’Afrique. Cela en termes d’avancées, d’avantages offerts à la population. Le bloc de la communauté deviendra fort », explique-t-il avant de rappeler que la CEA a une population avoisinant 170 millions d’habitants. Avec l’intégration de la RDC dans la communauté, la taille du marché s’accroîtra jusqu’à plus de 200 millions d’habitants.
Des avancées significatives enregistrées
Le secrétaire général de la CFECIB informe que la RDC va adhérer dans la communauté au moment où celle-ci a déjà fait de grandes réalisations dont l’adoption du protocole du marché commun et l’adoption du territoire douanier unique (TDU).
« Avec le marché commun, les produits fabriqués au sein de la communauté sont exonérés des droits de douane », fait-il remarquer.
Ce qui fera que le Burundi, le kenya, le Rwanda, l’Ouganda, le Sud Soudan et la Tanzanie pourront vendre en RDC sans barrière de douane et vice versa.
M.Nshimirimana éclaire qu’avec le TDU, les marchandises sont dédouanées au premier port d’entrée. Les marchandises dont la destination est Bujumbura et, partant, la RDC seront dédouanées à Dar-es-Salaam et à Mombasa. Ce qui réduira le temps mis pour la main levée des marchandises (temps pour le transport).
Par ailleurs, signale-t-il, les pays comme la Tanzanie et le Kenya qui ont des ports sur l’océan Indien auront des avantages surtout que la RDC va faire transiter ses marchandises à ces ports où il y a des facilités offertes dans le cadre du TDU.
Actuellement, les visas ont été supprimés dans la CEA. Ce qui facilite le libre mouvement des personnes et des marchandises. D’ailleurs, signale M.Nshimirimana, dans le cadre de la géométrie variable, le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda utilisent la carte d’identité biométrique pour circuler dans les 3 pays.
« C’est dommage que le Burundi n’a pas encore instauré la carte d’identité biométrique », déplore-t-il.
Et de continuer : « Les compagnies de télécommunication ont instauré un réseau unique. Ce qui permet de réduire les coûts avec les pays voisins si la RDC va intégrer ce réseau unique de télécommunication qui est importante dans le monde des affaires ».
Burundi, la porte d’entrée des importations de l’Est de la RDC
M.Nshimirimana souligne que le Burundi est facilement connecté aux régions de l’Est de la RDC comme Uvira, Bukavu voire Baraka…
« Les flux des échanges commerciaux entre le Burundi et la RDC, côtés Uvira et Bukavu vont augmenter puisqu’il n’y aura plus de visa de séjour. La suppression des frais de visa de séjour va augmenter le nombre de citoyens congolais qui viennent à Bujumbura, soit pour se faire soigner (Kira Hospital), soit pour faire du commerce (Bujumbura City Market communément appelé marché «chez Sion»…) », certifie-t-il.
Le secteur de l’hôtellerie et du tourisme sera également redynamisé. Le nombre de Congolais, qui, d’habitude, fréquentent les hôtels des quartiers Buyenzi, Bwiza, Nyakabiga, Kamenge et une partie de Rohero va s’accroître.
Cependant, le Burundi devrait prendre des dispositions pour encourager ce flux.
Il cite l’accélération de la construction d’une zone économique spéciale, l’accélération de la construction d’un poste-frontière à arrêt unique à Gatumba (financé par la Banque Mondiale (BM) dans le cadre du projet de facilitation du commerce dans la région des Grands Lacs, phase II. Les études sont terminées. Il ne reste que la phase des travaux qui va débuter en 2022). Il y a également la réouverture des frontières avec le Rwanda, notamment au niveau du poste-frontière à arrêt unique de la Ruhwa. Celui-ci lie directement Bujumbura (Burundi) et Bukavu (RDC) via la frontière rwando-burundaise (Ruhwa).
Le mouvement entre les deux localités était animé avant la fermeture de cette frontière au mois de mars 2020. Les véhicules appartenant aux compagnies de voyage congolaises effectuaient chaque jour les trajets aller-retour.
Le commerce transfrontalier, une solution pour se procurer les devises
M.Nshimirimana avoue qu’avant la pandémie de Covid-19, entre 6 mille et 8 mille citoyens burundo-congolais à majorité congolaise traversaient la frontière dans les deux sens.
« Doubler ou tripler ce mouvement sur cette frontière n’est pas utopique et occasionnerait un gain pour le pays d’au moins 1 milliard USD par an », avoue-t-il. M.Nshimirimana justifie cela par le fait qu’avant la pandémie de Covid-19, du côté de la frontière entre la RDC et le Rwanda (Goma-Rubavu), autour de 60 mille personnes traversaient quotidiennement la frontière des deux côtés.
Il estime par exemple que si on atteignait 15 mille Congolais qui entrent à Bujumbura chaque jour et que chacun dispose de 200 USD qu’il doit laisser à Bujumbura via les consommations, cela occasionnerait une entrée en devises de 3 millions USD par jour, soit environ 1 milliard 095 millions USD par an. Ce qui peut résoudre partiellement la question des devises.
«Il faut également décider d’augmenter les facilités en offrant des avantages, entre autres la suppression des barrières tarifaires en termes de taxes et des barrières non tarifaires. Comme cela, tous les camions à destination de la RDC vont emprunter le corridor burundais. Sûrement que ces camions s’approvisionneront en carburant et que les chauffeurs et les convoyeurs vont consommer d’autres services comme la restauration, l’hôtellerie…», confirme M.Nshimirimana.
Il reconnait que le Burundi a fait baisser le coût du test Covid-19 de 30 USD à 15 USD. Les Congolais l’ont réduit à leur tour jusqu’à 5 USD et réclament la réciprocité. Le secrétaire général de la CFCIB épouse l’idée des Congolais pour gagner en termes de mouvement.
D’après lui, un petit commerçant congolais qui devrait venir au Burundi avec 150 USD, on lui prend 15 USD (pour le test Covid-19), on croit gagner 15 dollars en test Covid-19. Cela fait qu’on lui prend 10% de son capital, soit tout le gain. Et de regretter : « Il préfère tout abandonner ».
Des relations sociales de longue date
Les Burundais parlent la langue française et le Kiswahili. Il en est de même pour la population de l’Est de la RDC qui parle le Kiswahili. Ce qui arrange les affaires.
De plus, il existe aussi une relation historique, avoue M.Nshimirimana. « Avant l’indépendance, plus de 50% de la population de Bujumbura était congolaise. D’où pas mal de Congolais sont installés à Bujumbura. Ils ont même acquis la nationalité burundaise et se sont mariés avec des Burundais. Les communes burundaises frontalières avec la RDC ont des relations familiales profondes avec leurs homologues de la RDC. Cette relation sociale est le fondement des affaires », dit-il.
Incontournable développement des infrastructures
M.Nshimirimana témoigne que le développement des infrastructures routières, ferroviaires, portuaires…est incontournable pour multiplier les échanges. Pour cela, il se réjouit qu’il y a un projet de construction du port de Rumonge. Ce qui va intensifier le commerce entre la région de Rumonge (Burundi) et de Kalemie et Baraka en RDC.
La réhabilitation du port de Bujumbura fera de lui une plaque tournante pour les marchandises en transit vers la RDC. « Sans oublier la construction de la RN3. Les Congolais pourront l’emprunter pour se rendre en Tanzanie », fait-il savoir.
Il en est de même de la construction du chemin de fer Uvinza-Musongati-Gitega-RDC.
Investir dans les secteurs porteurs de croissance
Le Burundi a un faible taux d’industrialisation. «Ce qui ne peut pas pénaliser l’industrie locale. La balance tend vers le bloc régional et aucun pays ne va plus travailler en solo. Des entreprises comme la Brarudi, Afritextile, Musumba steel, Savonor vont également en profiter pour vendre leurs produits en RDC», éclaire M.Nshimirimana.
En 2024, il est prévu qu’on adopte la monnaie unique qu’on va utiliser dans la CEA.
Les Burundais vont l’utiliser pour importer. Et de renchérir : « Il faut attacher plus d’importance sur la fabrication des produits compétitifs. Les avantages sont du côté de l’agriculture et de l’agro-industrie de qualité. Il faut réviser le code des investissements en l’adaptant au contexte de la région pour attirer les investisseurs étrangers directs et pour que les Burundais se lancent dans l’industrialisation ».
Le secrétaire général de la CFCIB s’inquiète que la Banque centrale ait réduit les taux d’intérêt sur les crédits à 2%, mais que les hommes d’affaires ne saisissent pas la balle au bond.
Il convie l’Etat à prévoir un cadre législatif propre aux industriels qui travaillent ensemble pour faire la concurrence aux usines géantes de la région.
M.Nshimirimana regrette que le Bureau Burundais de Normalisation et de contrôle de la qualité (BBN) manque dans la chaîne de production. Celui-ci n’est pas équipé en matériel et en ressources humaines. Il invite le gouvernement à se tourner vers les bailleurs de fonds classiques (Banque Mondiale et Banque Africaine pour le Développement) pour l’appuyer. Cela parce qu’il sera difficile d’exporter les produits dont la certification n’est pas garantie.