Epître de Ndayicariye au Cndd-Fdd

Le 4 janvier, Pierre-Claver Ndayicariye a animé une conférence à l’occasion de la retraite initiée par le parti Cndd-Fdd dans la province de Kayanza. A l’instar du contenu des ‘’douze péchés’’ d’un pouvoir irresponsable qu’il énumère, c’est son statut de président de la CVR dans le cadre de cette retraite qui interroge plusieurs responsables de partis politiques.

Epître de Ndayicariye au Cndd-Fdd

Pierre-Claver Ndayicariye : « Certains étrangers aiment des partis croulants.»

C’est mercredi 4 janvier à Kayanza, sur son ton sacerdotal, pharisien disent ses détracteurs, devant un parterre de ténors bien triés sur le volet, du « parti au drapeau frappé à l’effigie de l’aigle », que le grand officiant de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) se met à dérouler et à égrener son chapelet de péchés capitaux : un dodécalogue, des maux à conjurer, à bannir, des péchés caractéristiques d’un gouvernement irresponsable.

Ces cadres du Cndd-Fdd dont de hauts dignitaires du pays et des anciens ministres, écoutent religieusement, prennent des notes, hochent la tête pour acquiescer.

Et ce président de la CVR et ancien président de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), un homme écouté dans les milieux du pouvoir, dont il serait proche, a été convié pour parler de bonne gouvernance. Il n’hésite pas, à se répéter, à insister sur tel péché pour que son message soit bien compris et assimilé.

« Si vous me demandez de vous en énumérer trente, je vous en donnerais, si vous voulez quarante, je pourrais vous les citer, mais limitons-nous à douze péchés capitaux ou maux qu’un mauvais dirigeant peut infliger ou faire subir à ses compatriotes », fait savoir Pierre-Claver Ndayicariye, président de la CVR.

Et d’énumérer ces crimes : « Le tout premier grand péché est de massacrer sa population. Massacrer ses gouvernés ou ses électeurs ne peut qu’attirer la malédiction sur le pouvoir et ses représentants. »

A l’ère d’internet, avertit-il, l’information circule rapidement à tel point qu’il est difficile, voire impossible, de vouloir dissimiler une tuerie perpétrée à Cendajuru, dans la province de Cankuzo, à l’est du Burundi. « Massacrer ses gouvernées est à coup sûr le chemin le plus court pour détruire tout un pays ».

« Même s’ils parlent peu, les citoyens voient tout »

Le deuxième péché, souligne M. Ndayicariye, c’est de faire main basse sur les biens de la population. « Les citoyens sont des juges qui voient, mais qui parlent peu surtout quand le pouvoir en place a pris l’option de bafouer leurs droits. Piller les biens de la population, c’est se couvrir d’opprobre. Le pouvoir est là pour la protection de la population et de ses biens. Il n’y a point de pérennité avec des richesses provenant des biens mal acquis ».

Le troisième péché capital, c’est museler la population pour étouffer dans l’œuf toute dénonciation ou faire taire ses doléances. « Les citoyens ont des requêtes, des desiderata à soumettre aux dirigeants ».

D’après le président de la CVR, les plaintes diminuent quand la liberté d’opinion leur est garantie, ce qui permet au pouvoir d’être au courant de leurs préoccupations.
« Vous les leaders du parti, il faut donner la parole aux citoyens, c’est par cette voie que vous saurez leurs problèmes, ce qu’ils apprécient, ce qui les tiennent à cœur, ceux qui les entravent dans leurs provinces, leurs communes et collines, chez eux. Ce que je peux attester devant vous, c’est que les dirigeants ne voient pas d’un bon œil tout ce qui ne marche pas ».

Et le président de la CVR tente une explication. Dans notre éducation, justifie-t-il, nous n’avons pas appris à échanger, à débattre, mais à donner la parole ou à rejeter toute opinion exprimée par celui qui constitue une menace pour nous.

Le quatrième péché du dodécalogue de Ndayicariye, c’est organiser un pillage systématique des richesses de sa mère patrie. Selon lui, un mauvais gouvernement favorise les vols, n’hésite pas à se servir dans les deniers publics et à subtiliser les biens de l’Etat.
« Un mauvais gouvernement contraint ses citoyens à l’exil, paupérise le pays. Voler un paysan ou un commerçant, s’accaparer de sa propriété ou de ses biens, c’est voler tout un pays, couper la source des taxes ».

« L’amour de la patrie, ce n’est pas dans les mots »

Pour Pierre-Claver Ndayicariye, ce sont les paysans ou les autres producteurs qui alimentent les marchés, qui s’acquittent de l’impôt et paient des taxes.
« Exploiter des minerais et les exporter frauduleusement, c’est du vol. » Dans un Etat de droit, avec une culture de démocratie bien enracinée où l’Etat protège ses citoyens, note-t-il, c’est connu, les impôts et les taxes contribuent au développement du pays.

« Il n’y pas de développement d’un pays sans épanouissent de sa population, sans respect de ses citoyens et de leurs biens. La richesse d’un pays émane de la richesse de sa population ».
Comme cinquième péché capital, indique Pierre-Claver Ndayicariye, c’est servir son pays comme un mercenaire. « L’amour de la patrie n’est pas un vil mot, ce ne sont des mots, mais l’amour de la patrie passe par des actes louables et un discours édifiant qui fait honneur au pays à l’intérieur et à l’extérieur. Ce sont des démarches et des attitudes qui forcent le respect et l’admiration des étrangers ».

D’après lui, un gouvernement irresponsable peut vendre à vil prix les richesses du pays sans le savoir, il peut adopter des démarches périlleuses mettant en danger le pays, hypothéquer le pays au profit des grandes puissances ou de leurs représentants. « Un gouvernement irresponsable détruit le pays, agit comme un mercenaire assouvissant ses intérêts ».

Les opposants dont je vous ai parlé, confie-t-il, sont de mèche avec certains étrangers et ils s’évertuent à endormir différentes institutions, pour que certains cadres tombent dans le piège. « Et c’est là où tel ministre ou tel député, ou encore tel général, ─ et je vais baisser le ton ─, se retrouve à leur solde en acceptant d’empocher pas plus de 6 millions de BIF alors qu’il avait prêté serment tenant le drapeau au Palais des Congrès de Kigobe. Est-ce que vous avez entendu cela ? », demandera-t-il pour attirer l’attention de l’assistance.

Le sixième péché, indique-t-il, est semer la zizanie dans le pays et dans les esprits des citoyens. Dans notre pays, fait-il savoir, nous avons tout enduré, différents gouvernements irresponsables ont semé des divisions sur des bases ethniques, régionales, claniques et même religieuses. « Et du pays, ne transparaissent que les ethnies, les Hutus, les Tutsi et les Batwa, c’est le pire des malheurs. Les ethnies ne se retrouvent pas seulement au Burundi, mais le Burundi est sur la liste des pays où les gens s’entretuent sur ces critères ».

« Un gouvernement irresponsable creuse sa propre tombe »

D’après, Pierre-Claver Ndayicariye, un gouvernement irresponsable n’a pas de vision de réconcilier ses citoyens. Dans un tel pays, explique le président de la CVR, il y a deux catégories de citoyens : les bienheureux et les damnés.
« La division conduit à coup sûr à la mort, non pas une simple mort, mais une mort ignominieuse. Un gouvernement irresponsable qui sème la zizanie creuse sa propre tombe ».

Dans de tels échanges, fait-il remarquer, il faut se dire la vérité et là je mérite des points, la force du parti au pouvoir aujourd’hui, a une source, c’est la capacité de rassembler la plupart des Burundais sous un même bercail. « Je sais que ce n’est pas une tâche facile parce que Satan aime les mésententes, les disputes, les entredéchirements et les divisions et les séparations ».

Et de lancer un appel aux hommes politiques : « Il vous faut savoir que les voix proviennent des Hutu, des Tutsi et des Batwa. Si dans votre parti vous n’avez que des Batwa, vous aurez moins de voix, si vous n’alignez que des Tutsi, vous n’aurez que leurs voix uniquement et c’est pareil si vous n’avez que des Hutus ».

Le septième péché capital, ─ et c’est de la géopolitique ─, c’est ignorer les signes des temps, marcher à l’aveuglette, ne pas donner l’importance aux signes des temps, aux changements ou regarder les autres avec dédain.

Ces autres personnes dont je parle, note-t-il, ce sont nos compatriotes avec lesquels nous ne partageons pas les mêmes opinions politiques, ces concitoyens que nous méprisons parce qu’ils ne sont pas au pouvoir comme nous, ce sont nos frères burundais qui ont eu moins de voix que nous lors des élections et que nous n’avons pas octroyé de postes adéquats.

Selon lui, dans l’administration ou dans des entreprises, il y a plusieurs raisons qui font que les opposants se méfient de nous, devenant des entraves.

Le Burundi est parmi les pays malaimés

« Il y a le typhus ou la faim parce qu’il n’y a rien dans le ventre, il y a la malaria ou un soulier au talon entamé par l’usure, penché d’un côté suite au chômage, il y a la covid-19 ou un crédit contracté auprès d’une banque à payer … Il y a de ces « maladies » dans des familles où les enfants demandent à leur papa où est passée la jeep, ou encore pourquoi il ne se rend plus au travail comme avant alors qu’il est presque 8 heures du matin ».

Au Burundi, fait savoir Pierre-Claver Ndayicariye, l’administration ne nous apprend pas que les postes que nous occupons aujourd’hui étaient occupés par d’autres. Au Burundi, note-t-il, les places dans la fonction publique sont les plus prisées. Ailleurs, c’est le secteur privé qui offre plus de postes et ils sont bien payés.

Le huitième péché capital, ─ il faut bien le noter ─, c’est la violation des droits de la personne humaine. « Il y a des pays de triste renommée qui sont passés maîtres dans la violation des droits de l’homme, mais suite aux conspirations au niveau mondial, toutes les violations ne sont pas condamnées avec la même intensité ».

Un gouvernement irresponsable se retrouve isolé pour le non-respect des droits de l’homme. Et là où le bât blesse, insiste le président de la CVR, c’est que le respect des droits de l’homme est devenu un baromètre déterminant l’acceptation ou le rejet dans le concert des Nations, et dans cette géopolitique, il y a des pays malaimés comme le Burundi. Au vu de notre passé, confie-t-il, il faut être sur nos gardes.

« Certains étrangers n’aiment pas les partis forts, organisés »

Au Burundi, confie-t-il, on dirait que la violation des droits de l’homme est un péché originel. « Même quand une vieille dame tombe par terre après avoir reçu un coup de tête d’un bouc à Rumonge, il y a des organisations étrangères qui vont sortir des communiqués pour dénoncer et condamner des tueries perpétrées par le gouvernement burundais ».

Quand vous avez déjà démasqué ces gens, recommande-t-il, il faut être attentif. Et de faire une révélation : « La plupart des étrangers n’apprécient pas les partis forts, bien organisés », déclarera-t-il sur un ton bas. Une confidence. « En français on les appelle des partis majoritaires. Non. Ils aiment les partis croulants avec à leur tête des leaders versatiles. Les opposants n’aiment pas les institutions ou des entreprises affichant des bilans positifs. Ils raffolent des institutions faibles. Il faut alors déployer beaucoup d’efforts pour le respect de droits de l’homme, parce que les rivaux prêts pour les dénonciations pullulent partout ».

Comme neuvième péché, souligne le président de la CVR, il y a le manque de vision, un manque de plan de développement et dormir sur ses lauriers et se dire que la paix est une réalité. « Les experts en économie nous disent que le Burundi regorge de richesses pouvant être un tremplin pour le développement. Un gouvernement irresponsable se caractérise par un manque de vision, beaucoup de promesses et moins d’initiatives ou d’actions concrètes ».

Aujourd’hui au Burundi, indique-t-il, la population est témoin, il y a la pluie et le soleil, il y a des lacs, des cours d’eau et des collines verdoyantes, avec un gouvernement clairvoyant et entreprenant, dans dix ou 20 ans tout le pays pourrait avoir de l’électricité à partir des barrages hydroélectriques, du vent et du soleil.
« Les minerais dont regorge le pays comme le nickel et l’or … ont besoin de beaucoup d’électricité pour être exploités. Mais avant tout, il ne peut y avoir de développement sans vision »

Le dixième péché capital, selon Pierre-Claver Ndayicariye, c’est l’immobilisme, s’opposer au développement, aux intellectuels, à l’épanouissement de la jeunesse et à leurs idées novatrices. « Ici tout est clair, je n’insiste pas ».

« L’irresponsabilité engendre des veuves, des orphelins, des opposants »

Comme onzième péché, c’est demander des aides ou être toujours quémandeur sans rien offrir en retour. « Là, c’est le rendez-vous du donner et du recevoir. Il faut que le parti au pouvoir s’y penche et c’est là on l’on saura ce que les pays étrangers veulent et ce qu’ils attendent de notre pays. C’est la géopolitique ».

Comme douzième péché capital, selon le président de la CVR, il y a le fait d’éprouver du plaisir et d’en profiter pendant longtemps jusqu’à oublier ses devoirs, ses missions. « Ce genre de dirigeants sont des insouciants. Assistons-nous aujourd’hui à ce genre de comportement, y a-t-il eu par le passé de tels dirigeants ? Est-ce que cela peut arriver. Si cela arrive aujourd’hui, ce sera un péché grave ».

Et de tout ce qui précède, conclura le président de la CVR, il y a comme corollaires la destruction du pays et l’unité des Burundais. Il y a le fait de fomenter des troubles dans le pays et de prêter main-forte à ceux qui veulent renverser les institutions ou détruire le pays. Il y a également le fait de diriger des citoyens rongés par la rancœur et submergés d’amertume, consécutives aux comportements répréhensibles des mauvais dirigeants. Il y a aussi, comme conséquence, la dilapidation des biens du pays. Et enfin, il y a le fait d’augmenter le nombre de veuves, d’orphelins, d’ennemis, d’opposants et d’affamés.

Après sa présentation, il y aura quelques applaudissements, mais il laissera certains cadres du Cndd-Fdd pensif, sans voix, une preuve que ce sermon est allé droit au cœur ? Y aura-t-il des confessions, des reconversions ?


Réactions

Kefa Nibizi : « Une telle exposition peut compromettre la crédibilité et l’indépendance de la CVR »


Le président du Codebu-Iragi rya Ndadaye dit tout d’abord « saluer le courage » de M. Ndayicariye pour sa présentation sur les douze péchés d’un pouvoir irresponsable. Concernant le péché de violation des droits de l’Homme, Kefa Nibizi considère qu’il faut placer le style que Pierre-Claver Ndayicariye a utilisé dans un contexte burundais.

Selon lui, certaines organisations nationales et internationales de droits de l’homme accusent le Gouvernement du Burundi et certains acteurs du parti au pouvoir de commettre des actes de violation des droits humains.
« Chaque fois, ces accusations n’ont jamais été accueillies comme des conseils ou des interpellations qui devraient aboutir à la correction des éventuelles violations commises. Elles ont été plutôt accueillies comme des montages grotesques visant à ternir l’image du Burundi et les dénonciateurs étaient considérés comme des ennemis du pays qui complotent pour faire tomber le pouvoir en place ».

Dans ce contexte, défend ce dirigeant de parti politique, M. Ndayicariye s’adressait aux dirigeants du parti au pouvoir au sommet pour leur rappeler de respecter les droits humains.
« Il a dû prendre des gants pour qu’il ne tombe pas dans le panier des ennemis de la nation et des comploteurs contre le système politique en place ».

Pour M. Nibizi, le Président de la CVR n’exagère pas quand il affirme qu’il y a des acteurs sociopolitiques locaux et étrangers qui n’apprécient pas positivement les partis politiques dont leur majorité absolue conduit au monopole du pouvoir. « Au parti CODEBU, nous estimons que ces acteurs sociopolitiques ont en quelque sorte raison ».

En effet, certaines démocraties matures évitent le monopole du pouvoir par un seul parti politique. « La détention de la majorité absolue par un parti politique conduit souvent au totalitarisme, à la pensée unique, à l’exclusion, à l’absence du dialogue et à l’instauration d’un parti État ».

Dans ces conditions, explique-t-il la détention de la majorité absolue par un parti politique risque de confisquer la démocratie et de créer des Hommes forts au pouvoir en lieu et place de lois fortes.

Enfin, d’après Kefa Nibizi, le président d’une Commission comme la CVR ne peut aller faire une présentation auprès d’un parti politique dans le cadre de ses fonctions. « Il peut plutôt le faire s’il est invité par le Forum des partis politiques ou toute autre institution étatique. Sinon, je m’interroge de savoir s’il répondait favorablement à l’invitation d’un autre parti politique. Une telle exposition peut compromettre la crédibilité et l’indépendance de la CVR ».

Tatien Sibomana : « Il banalise la violation des droits de l’Homme »

Le président de l’aile radicale de l’Uprona estime que le discours du président de la CVR est surprenant. « Le connaissant de par son passé et ses actes en tant que président de la CENI et en tant président de la CVR, je me demande si c’est réellement son discours. »
L’ancien député d’Amizero y’Abarundi revient sur le passage où le dirigeant de la CVR parle de la violation des droits de l’Homme. « Quand il parle des étrangers qui montent au créneau quand une vieille dame se fait percuter par une chèvre à Rumonge, c’est une façon de nier que la violation des droits de l’Homme soit une réalité au Burundi qu’il compare à une vieille dame qui se fait cogner par une chèvre ».

Et d’ajouter avec un brin d’humour. « Encore, en tant qu’humain, n’a-t-il aucune compassion pour une vieille dame qui se fait cogner par une chèvre ? »
Tatien Sibomana se montre sceptique quant à l’éloge fait par Pierre-Claver Ndayicariye au parti Cndd-Fdd. « Dieu seul sait à quel point le parti au pouvoir n’est pas une référence en matière d’organisation. De plus, un parti peut être majoritaire sans être mieux organisé et pour plusieurs raisons. Et qu’un parti soit au pouvoir ne veut pas dire nécessairement qu’il est majoritaire dans le pays. »

Pour lui, l’énumération des ‘’12 péchés’’ d’un pouvoir irresponsable conserve une faille majeure. « Dans son propos, il dit une chose et son contraire dans le but de caresser les hommes et les femmes du parti au pouvoir en leur disant que les péchés dont il parle ne les concernent pas. Que c’est notamment une injustice qu’ils soient accusés de violation des droits de l’Homme. C’est une banalisation de la violation des droits de l’Homme dont sont victimes la plupart des Burundais »

Quant au costume de président de la CVR revêtu par Pierre-Claver Ndayicariye pour son discours lors de la retraite du parti Cndd-Fdd, M. Sibomana est catégorique. « Le système en place a déjà identifié ses hommes et ses femmes pour mener sa communication et jouer son jeu jusqu’au bout. Parmi eux, il y a le président de la CVR ! »

D’après lui, il fait partie de la base de données des serviteurs avérés du système. « Quand il faut parler de spécialiste en bonne gouvernance qu’elle soit politique ou économique, Pierre-Claver Ndayicariye n’était clairement pas la personne indiquée et cela importe peu du moment qu’il aborde n’importe quelle thématique dans le sens qui plaît au pouvoir ».

Zénon Nimubona : « Il n’a aucune compétence pour venir parler de bonne gouvernance »

Le président du Parena soutient que le choix de Ndayicariye n’est pas anodin. « Si ça avait été un spécialiste autre qui aurait été désigné pour tenir un tel discours, tout le monde comprendrait qu’il désigne un à un les méfaits du pouvoir actuel. Mais comme c’est Ndayicariye, on comprendra que les « 12 péchés » dont il parle concernent les régimes du passé. C’est une manière de se blanchir pour le pouvoir ».

Et d’ajouter que, de par sa profession et sa formation, il n’a aucune compétence de venir parler de « bonne gouvernance ». « La bonne gouvernance, c’est secteur par secteur, ce ne sont pas des généralités. Serait-il capable de parler de ‘’bonne gouvernance’’ ministère par ministère ? »

Jean de Dieu Mutabazi : « Le discours tenu par l’ambassadeur Ndayicariye n’entame pas la crédibilité de la CVR »

Pour le dirigeant du RADEBU, le propos du président de la CVR sur l’image injuste dont jouit le Burundi quant à sa situation des droits de l’Homme est parfaitement justifié.
« A la lecture des différentes résolutions sur le Burundi des dernières sessions des Assemblées générales du Conseil des Droits de l’homme sur le Burundi, nous avons constaté avec regret que ce Conseil privilégie les mécanismes spéciaux de droits de l’homme pour le Burundi. Ce qui est totalement injuste et contre-productif pour notre pays, qui est doté de mécanismes nationaux de promotion et de protection des droits de l’homme qui sont opérationnels sur toute l’étendue du territoire ».

D’après Jean de Dieu Mutabazi, les rapports du Conseil onusien des Droits de l’Homme sur le Burundi sont partiaux. « Ce conseil ne tient uniquement compte que des informations lui livrées que par des personnes en exil, des organisations opérant à partir de l’étranger, … qui veulent déstabiliser les institutions démocratiquement élues du Burundi ».

Selon lui, il faut distinguer les cadres à travers lesquels l’ambassadeur Pierre-Claver Ndayicariye s’exprime. « Il peut s’exprimer comme Expert ou Consultant, il peut s’exprimer comme Écrivain, il peut s’exprimer comme diplomate, ou même comme Commissaire de la CVR. C’est pourquoi il n’y a aucun risque que le discours tenu par l’ambassadeur Ndayicariye lors de cette conférence, entame ou entache la crédibilité de la CVR »

Interrogé sur l’hostilité « des opposants » aux « partis majoritaires » qui leur préfèrent « les partis faibles », M. Mutabazi épouse le point de vue du président de la CVR. « Nous avons remarqué dans l’histoire de l’Afrique et du Burundi que certains lobbies étrangers et en particulier occidentaux ont farouchement combattu les leaders nationalistes indépendantistes ainsi que leurs formations politiques. S’il fallait revenir sur l’histoire récente du Burundi avec les sanctions injustes de 2015, ceci donne raison à Pierre-Claver Ndayicariye ».

Bosco Harerimana : « Les critères d’évaluation de la situation des droits de l’Homme sont les mêmes pour tous les pays »


Pour l’expert en justice transitionnelle, l’intervention de Pierre-Claver Ndayicariye n’entre pas en contradiction avec son statut de président de la CVR. « La Commission Vérité et Réconciliation a été invitée en tant qu’institution indépendante. Quant à Pierre-Claver Ndayicariye, il est intervenu en tant que spécialiste et non en tant que président de la CVR »

Concernant le Burundi qui bénéficie d’une mauvaise image à l’étranger liée aux accusations de violation des droits de l’Homme, l’expert juge que chaque Etat est responsable de son image et qu’il lui revient d’élaborer l’image qu’elle veut montrer dans le concert des nations. « Pour le Burundi, lors du Forum sur le Développement, il a été observé que le Burundi n’a pas fait assez d’efforts pour améliorer son image »

De plus, d’après ce professeur d’université, les critères d’évaluation de la situation des droits de l’Homme sont les mêmes pour tous les pays et sont relevés de façon objective. « Parmi les critères qu’on retient, il y a l’indice de Développement humain qui est constitué par l’accès aux soins de santé, à l’éducation, aux revenus de base … ».

Par  Abbas Mbazumutima et Alphonse Yikeze (Iwacu)