Voilà deux jours passés avec une capitale burundaise offrant au monde l’image d’un pays en pleine crise. L’arrivée massive des réfugiés au Rwanda, en RDC et en Tanzanie préoccupe le monde entier. Et sous l’effet de la mode infusée aux Africains dits intellectuels ou activistes, l’on voue aux gémonies le président Nkurunziza, qui est vu sur les traces de Neron ou de Blaise Compaoré.
Les instigateurs des manifestations n’hésitent pas à caresser la corde ethnique en mentant sur une prétendue participation des Interahamwe dans les émeutes. Un policier grièvement blessé est ainsi exhibé au monde en lui affublant l’étiquette d’Imbonerakure. Mais après vérification, l’on découvre qu’il s’agit bel et bien d’un policier et que les manifestants, sous d’autres cieux, auraient aggravé leur cas en s’en prenant aussi follement à un agent de l’ordre dans son travail. Qu’il suit les instructions de ses chefs et disperse des manifestations déclarées illégales, il joue son rôle. Il mérite le respect.
Les images de pneus brûlés, des barricades sur les voies publiques,des pierres lancées méchamment sur les forces de l’ordre prouvent à suffisance que les manifestations ont été tout sauf pacifiques. Mais le slogan du rejet d’un mandat de trop semble tout absoudre et les médias du monde entier, les activistes de HRW ne condamnent que les agents de sécurité coupables, à leurs yeux, de chercher à disperser les manifestants: de marcher contre une foule!
Enfants manifestants comme le phénomène décrié des enfants soldats.
Ce qui frappe tout observateur objectif des troubles en cours à Bujumbura, c’est la présence quasi exclusive des jeunes souvent mineurs voire même des enfants en bas âge. Il n’aurait pu en être autrement étant donné que les organisateurs des émeutes ont appelé les parents à ne pas envoyer les enfants à l’école. Ils les voulaient donc dans la rue. Un gamin de 5 ans, 10 ans ou 14 ans comprend quoi de ces revendications au juste? Dans cette chasse du chat et de la souris, a-t-il une compréhension minimale du danger ou le réflexe rapide de se replier quand les policiers chargent à coup de canon à eau ou de gaz lacrymogènes? Il est déjà attesté qu’un enfant de 14 ans a laissé la vie dans ces heurts à Mutakura. Personne ne s’en alarme. Qui des responsabilités?
La ministre burundaise en charge de la question des droits de l’homme a sorti un communiqué hier pour dénoncer l’usage des enfants dans les manifestations. Elle a invité les parents à jouer bien leur rôle et a demandé à la justice de pousser les instigateurs des manifestations à assumer toutes les responsabilités pour cette exploitation des enfants. Elle a oublié de prendre la communauté internationale à témoin sur ce phénomène des enfants manifestants alors que celui des enfants soldats a fait condamner des seigneurs de guerre en Sierra Leone, au Liberia et en Ouganda.
L’appel du Ministre burundais dérange les supporters internationaux des manifestations. Ils comprennent que faute de jeunes dans les rues, les troubles resteraient très insignifiants. Et les activistes et les politiciens sans scrupules en sont conscients d’ailleurs et se refusent à se séparer de ce bouclier volontiers suicidaire! Ils rétorquent que ces jeunes se battent pour leur avenir et qu’ils sont donc plus courageux que leurs parents cloîtres souvent à la maison ou impuissants devant le pouvoir de manipulation des activistes qui se disent sans intérêt politique. Soit les activistes et les politiciens doivent appeller à une trêve, soit ils passent outre les mises en garde du ministre. Ce qui fait déjà penser à une volonté d’exploiter les jeunes comme lors de la crise de 1994 à 1996 afin de s’en débarrasser une fois le but atteint! Dans tous les scenarii, les défenseurs des droits de l’homme doivent sévir.
Dans un communiqué que le parti au pouvoir a sorti hier, il a appelé les jeunes des quartiers de Musaga, Nyakabiga, Ngagara, Cibitoke et Mutakura à ne pas céder à la manipulation en se droguant pour se battre pour des intérêts égoïstes de quelque activiste ou politicien. Il a fait remarquer que ceux qui appellent à manifester restent chez eux et n’envoient jamais leurs enfants ou parentés. Il a souhaité que le rejet de la candidature de Nkurunziza se fasse à travers les mécanismes légaux ou un vote sanction.
Tout ça pour une question de mandat vraiment?
Le malheur du gouvernement du Burundi est de ne pas savoir communiquer. Hier sur France 24, un spectacle honteux a été offert aux téléspectateurs. L’ambassadeur du Burundi en France croisait le fer avec un bloggueur burundais établi en France et qui défendait les manifestations. Le débat a vite tourné au vinaigre avec une chamaillerie digne des incultes. L’ambassadeur burundais prétendait que la situation était calme au pays et que les émeutes étaient maîtrisées. Gratien Rukindikiza alertait le monde contre l’imminence d’un génocide et inventait la présence des combattants hutus rwandais FDLR et des Interahamwe aux côtés des policiers burundais. Il tentait de diaboliser la police et d’encenser l’armée. Un stratagème de diviser pour mieux défaire. Du déjà vécu par bien des peuples africains. La tension était très palpable et le respect de l’autre orateur avait foutu le camp. Un échec personnel de la journaliste dépassée!
Depuis bien des mois, le monde entier a été informé que le président burundais veut s’accrocher désespérément au pouvoir. Qu’il a fini ses deux mandats. Que l’accord d’Arusha ne tolère que deux mandats et que cela a été fidèlement repris dans la constitution en vigueur. Archifaux. Car la constitution burundaise sème la confusion sur le mandat de l’après transition. Il est écrit que ce mandat a un caractère exceptionnel. C’est pourquoi le président sorti des urnes en 2005 n’avait pas le droit de dissoudre le parlement. Non élu au suffrage universel direct, certaines compétences lui étaient refusées. Et la constitution autorise pourtant chaque président à solliciter les suffrages des électeurs de façon directe deux fois. Pour 2005, Nkurunziza a été élu par le parlement. Gentleman, il pouvait partir la tête haute et éviter au Burundi ces amalgames.
Mais il se serait avéré que la question du mandat n’est qu’un prétexte qui séduit facilement car sur toutes les lèvres en Afrique! D’où son rejet de la manipulation et la détermination à défier ses détracteurs, en militaire car ancien rebelle! Il faut dire que le véritable enjeu du moment n’est pas étranger aux calculs des opposants sans assise populaire et des activistes aux ambitions politiques indéniables.
Si le peuple se rend aux urnes, il va encore une fois voter massivement pour le CNDD-FDD. Le tocard demeure Agathon Rwasa et il se fait discret, aguerri quant au pouvoir de la machine du CNDD-FDD. Mais d’autres politiciens comme Jean Minani, Léonce Ngendakumana etc après dix ans de traversée du désert, ils sont démunis ou les affaires ne tournent plus. Les activistes comme Pacifique Nininahazwe, Vital Nshimirimana, Armel Niyomwungere sont impatients de prendre la revanche sur cet ancien mouvement rebelle. Le CNDD-FDD est accusé de gèrer de façon plus ou moins désastreuse les relations internationales, la chose publique et l’accès aux emplois. A défaut de le battre correctement dans une compétition démocratique, il fallait exploiter l’astuce du mandat controversé, alerter l’opinion nationale et internationale sur les risques de résurgence des haines ethniques voire d’un génocide et pousser Nkurunziza à la sortie. Les politiciens et les activistes savaient très bien que le parti au pouvoir n’avait préparé personne d’autre. Ils etaient au courant des rivalités internes dans ce parti et auraient séduit certains détracteurs de Nkurunziza pour en faire des alliés. Mais tout le monde redoute Nkurunziza car il sait cacher son jeu, s’enfermer dans sa coquille comme un escargot et laisser passer la tempête. C’est pourquoi ils ont monté ces manifestations violentes comme de l’eau brûlante versée sur l’escargot pour l’étouffer! Directement à l’annonce de la candidature et sans attendre qu’elle soit déclarée recevable.
La précipitation des activistes et des opposants aux abois pourraient produire l’effet contraire. Le parti UPRONA a sorti hier un communiqué pour dénoncer les manifestations et exiger des poursuites judiciaires contre les organisateurs. Le parti qui se dit représentatif des Tutsis au Burundi s’inscrit en faux contre ces manières violentes de chercher à diviser le peuple sur des considérations ethnisantes. Il considère que les quartiers où les manifestations se déroulent sont à prédominance tutsie avec une exploitation des mineurs à outrance. Le parti UPRONA se prononce pour la saisine de la CENI à la cour constitutionnelle quant à la recevabilité de la candidature de Nkurunziza. Il appelle le peuple à rester uni et prêt pour les élections.
Même son de cloche du côté de l’ancien président Sylvestre NTIBANTUNGANYA qui a renvoyé dos à dos les organisateurs des manifestations et le gouvernement en appelant à la prudence pour ne pas plonger le pays dans de nouveaux affrontements ethniques. Il a recommandé le recours aux mécanismes légaux pour trancher le litige de la candidature de Nkurunziza. Il a dénoncé les manipulations des jeunes et les tentations des activistes et de certains politiciens de provoquer l’arrêt du processus afin d’avoir une période de transition : alors la véritable remise de l’accord d’Arusha!
Paul Sorongo