Moïse Katumbi prend résolument la posture d’un homme d’Etat. Avec déjà la prochaine présidentielle en ligne de mire ?
Moïse Katumbi, vous revenez à Lubumbashi après trois ans d’exil, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
M.K. C’est une grande joie pour moi de retrouver la population katangaise. Ça fait trois ans que je suis parti de Lubumbashi, beaucoup de choses se sont produites depuis. Je rentre pour aider la population congolaise à sortir de la misère.
Aujourd’hui, vous n’avez plus de mandat politique. Quel sera votre rôle dans les mois à venir ?
J’ai un grand rôle, celui d’opposant. On peut faire beaucoup de choses, nous allons être très exigeants. Pour moi, je serai une opposition républicaine et constructive. Ce que nous cherchons, c’est la paix dans notre pays et que notre pays puisse aller de l’avant.
Vous êtes à la tête de la présidence tournante de Lamuka dont fait toujours partie Martin Fayulu. Est-ce que vous soutenez sa quête d’être reconnu comme président de la République démocratique du Congo ?
Lamuka était une plateforme électorale, elle est devenue une plateforme d’opposition politique. Nous avons signé une charte dans laquelle nous disons que nous allons d’abord défendre strictement la Constitution congolaise. Nous allons aider la population à comprendre la Constitution et nous allons demander au gouvernement bientôt en place de travailler pour la population congolaise.
Mais est-ce que vous soutenez monsieur Fayulu d’être reconnu comme président de la RDC ?
Je vous dis que nous avons changé la plateforme électorale en plateforme d’opposition politique.
C’est-à-dire que Martin Fayulu est seul dans sa demande de reconnaissance ?
Non. Nous avons signé la charte de Lamuka, nous sommes tous des frères, nous avons la même vision dans Lamuka.
Votre exil est lié à des poursuites judiciaires, vous avez récemment été blanchi et avez récupéré votre passeport. Cela signifie-t-il que la Justice est à nouveau indépendante en RDC ?
Il y a eu de faux procès contre moi et je voulais revenir au pays plus tôt car je savais que je n’avais rien fait. J’étais même à la frontière au mois d’août pour aller déposer ma candidature à la présidentielle mais l’on a m’a refusé l’entrée. Vous savez, à l’époque, les juges ne pouvaient pas prononcer le droit. Au moins, aujourd’hui, ils le peuvent. Mais il faut l’indépendance de la Justice dans notre pays, avoir un Etat de droit. Qui plus est, me priver de mon passeport est un crime !
Vous dites « c’est un crime », allez-vous aller en Justice contre les personnes qui ont pris cette décision, éventuellement contre Joseph Kabila ?
Non, je suis un homme de paix, je rentre et on doit oublier le passé. Le plus important pour moi, c’est la paix, c’est pour ça que j’ai demandé à tous les Katangais de venir m’accueillir habillés en blanc. Le passé, c’est le passé. Moi, je vois l’avenir, je suis pragmatique.
Quelles seront les premières que vous allez faire une fois revenu au Katanga ?
D’abord, aller consoler mes frères. Moi, j’étais en exil, eux ont vécu l’enfer en restant sur place, beaucoup de gens sont morts. Je veux aussi aller sur place pour défendre notre Constitution. En 2015, j’étais le premier à dire à Monsieur Kabila de ne pas toucher au 3e mandat et la population congolaise m’a accompagné dans cette démarche. Le dauphin de Monsieur Kabila n’a pas gagné les élections parce que la population était avec nous.
Avez-vous prévu de rencontrer Monsieur Tshisekedi dans les semaines ou les mois qui viennent ?
Nous ne sommes pas des ennemis, nous sommes des adversaires politiques. Pour le moment, il n’y a pas de contact avec Monsieur Tshisekedi. Je rentre au pays, je vais faire ma tournée de toutes les provinces pour remercier la population congolaise et prêcher l’unité du pays.
Quid de Joseph Kabila ?
Je rentre au pays pour rencontrer mes frères et sœurs. L’ancien président Joseph Kabila est au FCC, moi je suis de l’opposition, nous ne sommes pas des ennemis mais des adversaires politiques.
Reste que vous vous êtes opposé à un éventuel 3e mandat, vous avez été des alliés très proches. Lui vous a qualifié de ‘Judas’On peut imaginer que vous avez encore des choses à vous dire ?
Vous savez, depuis que j’ai démissionné, je n’ai jamais parlé avec Monsieur Kabila. Je me suis mis au travail pour défendre la Constitution congolaise. Il y a beaucoup de choses à faire au pays, beaucoup de choses à partager avec la population congolaise, c’est le plus important pour moi.
Damien Roulette – RTBF